Située à l’extrémité occidentale de la province de Hainaut, à la frontière avec la Flandre et la France, la commune de Mouscron est née le 1er janvier 1977 de la fusion des anciennes communes de Mouscron, Luingne, Herseaux et Dottignies. Ce territoire, qui appartenait à la Flandre occidentale jusqu’en 1963, année de mise en place de la frontière linguistique, fait aujourd’hui partie de la région culturelle de la Wallonie picarde. Ce rattachement n’est qu’une confirmation de l’identité francophone défendue de longue date par ses habitants.
L’entité n’est pas particulièrement connue pour son patrimoine immobilier. Néanmoins, elle recèle quelques édifices, anciens ou plus récents, protégés ou non par un classement. Le principal intérêt de la localité est lié à son développement récent. Le centre urbain illustre en effet toutes les caractéristiques d’une cité industrielle de la fin du XIXe-début du XXe siècle.

Histoire de Mouscron : des origines à nos jours
De la Préhistoire à l’Antiquité
La plus ancienne trace d’occupation humaine découverte sur le territoire de la commune, à Luingne plus exactement, est une hache polie remontant au néolithique moyen. Toutefois, il s’agit, jusqu’à preuve du contraire, d’un artefact isolé. Pour obtenir plus d’informations sur les hommes et les femmes qui ont peuplé cette terre aujourd’hui située dans la zone d’influence de Lille, Courtrai et Tournai, il faut attendre la Protohistoire et surtout l’Antiquité.
En automne 1983, Marcel d’Hondt met au jour les premiers indices de l’existence d’un habitat gallo-romain au hameau du Quevaucamps à Dottignies. La découverte n’est cependant pas surprenante puisque la chaussée Tornacum-Cortoriacum-Aldenburgum passe non loin de ce terrain jadis desservi par un diverticule (route secondaire). Des fouilles, réalisées en 2003 préventivement à la construction d’un centre commercial (projet Cora, finalement « Mains & Sabots »), vont révéler des vestiges protohistoriques et antiques.
Un autre site mouscronnois a livré du matériel gallo-romain : le 42, avenue Mozart sur le zoning industriel de la Martinoire. Du 12 au 14 septembre 1995, Patrick Gillon, directeur du Centre socio-éducatif de Wattrelos, avec l’aide de l’abbé Gilbert Tieghem et de quelques jeunes bénévoles, découvre des tessons de céramique et plusieurs autres objets permettant de dater l’occupation du troisième quart du Ier siècle de notre ère. Ces découvertes relancent l’hypothèse, développée à la fin du XIXe siècle, de l’existence d’un camp romain au Mont-à-Leux.
Moyen-Âge et Temps Modernes
Un iatus existe ensuite dans les connaissances historiques de Mouscron. Malgré les recherches effectuées par les historiens locaux (l’abbé Alphonse-Marie Coulon, Léon Maes, Jacques Pycke), la fin de l’Antiquité et le début du Moyen-Âge demeurent peu connus. Il faut attendre quelques siècles pour disposer d’une documentation plus abondante.
La région est probablement évangélisée par saint Achaire, évêque de Tournai au début du VIIe siècle. Une chapelle lui est encore dédiée dans la plaine qui porte son nom. La tradition veut qu’un morceau de tissu appartenant au malade soit attaché aux barreaux afin d’invoquer l’intercession du saint contre la fièvre.

Les premières mentions des noms des 4 localités sont tirées d’actes d’origine ecclésiastique :
-> en 872 Dottiniacas serait la « résidence de Dotto », comte de Tournai vers 650 ;
-> en 1060 Mosscher-on dont l’étymologie signifierait « endroit marécageux couvert de mousse » ;
-> en 1108 Hersele tirerait son nom d’une « maison forte » ;
-> en 1178 Lignum serait une « charbonnière », un endroit d’où est tiré le charbon de bois.
Au Haut Moyen-Âge, le territoire de Mouscron est divisé entre plusieurs seigneuries dont les principales sont celle de Mouscron relevant de la cour féodale de Harelbeke aux mains du comte de Flandre, le fief du Val dépendant de Warcoing et de la cour de Maire en Tournaisis et la seigneurie de Saint-Pierre de Lille. Le premier seigneur de Mouscron renseigné dans les textes est Arnould IV d’Audenarde en 1235-1243. Le mariage de sa fille Marie transfère ce territoire aux sires de Louvain.
Le 19 janvier 1332, Béatrice de Louvain vend les terres et la seigneurie de Mouscron à Bernard de la Barre (1332-1372), un bourgeois de Tournai. La famille de la Barre unifiera peu à peu sous sa bannière les différents fiefs mouscronnois, à l’exception de la seigneurie de Saint-Pierre de Lille. Cette institution religieuse a reçu des terres et des exploitations agricoles situées à Mouscron en 1066 de la part du comte de Flandre Baudouin V de Lille. Aujourd’hui, seules deux noms de rues proches de la Grand-Place témoignent de cette possession ancienne. En 1422, Oste de la Barre incorpore à la seigneurie de Mouscron le fief des Ramées, où sera construit le futur Château des Comtes. S’y succèderont les familles de Liedekerke, Basta et d’Ennetières.

parue dans l’ouvrage Flandria Illustrata en 1641.
La position de Mouscron entre Lille, Tournai et Courtrai lui a valu d’être ravagée à plusieurs reprises. Pendant les guerres de religion, les Gueux saccagent l’église Saint-Barthélemy (1569) et s’emparent du château (1578). Ces mercenaires surnommés « Hurlus » appartiennent depuis 1975 au folklore de la cité. Ils sont fêtés le 1er week-end d’octobre et sont à l’origine du sobriquet donné aux Mouscronnois. La région est également touchée au cours des campagnes menées par Louis XIV entre 1645 et 1713. Ainsi, Dottignies est le théâtre de combats en 1689 et en 1693 dus à la présence de lignes de fortifications construites par les Français le long de la Grande Espierre.
Durant les troubles qui suivent la Révolution française, outre quelques escarmouches et le passage des troupes, ce sont surtout les églises qui subissent des dommages tandis que de nombreux biens sont réquisitionnés. Le 29 avril 1794, le combat de Mouscron oppose les Français aux Hanovriens au lieu-dit le Castert. La victoire des troupes révolutionnaires sur les armées alliées, commandées par le Général Clerfayt, préfigure les batailles de Tourcoing (18 mai) et de Fleurus (26 juin). Cinquante ans plus tard, soit le 29 mars 1848, l’échauffourée du Risquons-Tout voit un détachement de l’armée belge, sous le commandement du général Fleury, repousser en quelques salves de fusils et à coups de canons une troupe de révolutionnaires franco-belges, venue de Paris pour tenter d’établir la République en Belgique.
Époque contemporaine
Malgré ces quelques épisodes historiques plus anciens, le véritable développement de Mouscron se situe dans la seconde moitié du XIXe siècle et durant le siècle suivant. À partir de 1870, la production textile qui occupait de nombreux artisans dès le Moyen-Âge et les Temps Modernes (le lin depuis 1453, le molleton, mélange de lin et de laine, depuis 1758, la laine depuis 1800, le coton depuis 1810) s’industrialise. Cet accroissement de l’activité économique est rendu possible par la conjonction de plusieurs facteurs. En 1842, sont inaugurées les lignes de chemin de fer reliant Mouscron à Courtrai, Tournai et Tourcoing. Elles permettent l’arrivée de matières premières et l’expédition des produits finis. Parallèlement, l’annexion de l’Alsace-Lorraine par la Prusse offre de nouveaux débouchés à l’industrie du Nord de la France alors que la Flandre agricole est frappée de famines et d’épidémies. Commence alors une forte immigration flamande décidée à trouver du travail sans pour autant quitter son pays.
Chaque jour, ces primo-arrivants quittent Mouscron pour aller travailler dans les usines textiles françaises ; en 1910, un habitant de l’entité sur cinq est un travailleur frontalier. Le tramway vicinal (à vapeur de 1900 à 1932 puis électrique jusqu’en 1960) facilite ces déplacements quotidiens. Néanmoins, il ne sera bientôt plus obligatoire de franchir la frontière pour trouver du travail dans le secteur textile. La disponibilité de terres près de la gare, la présence de nappes aquifères importantes et d’une main d’œuvre qualifiée séduisent le patronat français. C’est ainsi que, dès 1880, les Établissements Vanoutryve, originaires de Roubaix, s’installent à Mouscron et y implantent, rue du Phénix, le premier tissage mécanisé de la ville. Ils seront suivis par d’autres grandes familles du nord de la France : D’Halluin, Masurel, Motte, Six, Vernier, Tiberghien.

L’importance de la cité s’accroît tellement que les édiles communaux, pour la plupart issus du monde industriel, parlent de la « Ville de Mouscron » depuis 1876 alors que le titre ne lui sera officiellement décerné que par une loi du 20 mars 1986. Le changement de statut est toutefois reconnu dès la fin du XIXe siècle puisqu’en 1882 la localité devient chef-lieu de canton et siège d’une justice de paix. Elle se dote également d’un hôtel de ville inauguré le 13 juillet 1890. L’accroissement économique et démographique – la population est passée d’environ 6 000 habitants vers 1850 à plus de 23 500 en 1914 – est stoppé par la Première Guerre mondiale. Entre 1914 et 1918, comme en 1940-1945 d’ailleurs, Mouscron n’est pas le lieu d’importants combats mais sa population subit le quotidien caractéristique des zones occupées : réquisition et rationnement, fraude et ravitaillement, chômage et travail forcé.

L’immigration flamande reprend dans les années 1920 et jusqu’aux alentours de 1935. L’entre-deux-guerres correspond donc pour Mouscron à une seconde période d’expansion. L’industrie textile est florissante. Elle se spécialise notamment dans la filature de laine peignée et le tissage de tapis d’ameublement. La population passe de près 24 000 habitants en 1921 à 37 000 habitants en 1936, soit un accroissement de plus de 50%. Les autorités communales font alors face à une série de défis : logements, voiries, alimentation en eau potable, éducation et hygiène. La majorité socialiste, dirigée par Joseph Vandevelde (1880-1962), entreprend de grands projets urbanistiques et architecturaux afin de répondre aux besoins nouveaux : Habitations à Bon Marché, parc communal, château d’eau, écoles, bassin de natation accompagné de bains publics, etc.

L’industrie textile, bien que prédominante, n’est pas la seule activité économique sur la commune. L’agriculture, occupation principale des Mouscronnois pendant des siècles, perdure tout comme l’industrie de la terre cuite (briques et tuiles). Par ailleurs, au tournant entre le XIXe et le XXe siècle, de nombreuses brasseries tournent à plein régime pour alimenter les débits de boissons plus nombreux encore. Ces estaminets sont également des lieux de loisir pour la population ouvrière nombreuse. En 1891, l’abbé Coulon écrit que Mouscron compte 1 cabaret pour 28 habitants ! Leur nombre a diminué aujourd’hui mais reste proportionnellement à la population l’un des plus importants de Wallonie. Quant à l’activité brassicole, elle connaît actuellement une renaissance via la création de micro-brasseries.
Parlons justement du développement plus récent de Mouscron. La crise structurelle du textile a fait péricliter l’activité après 1955-1960 obligeant les responsables politiques de la région à intensifier d’urgence leurs efforts de reconversion. L’instrument privilégié de cette politique économique sera la création de parcs industriels, d’abord sous l’égide de la SIDEHO (Société Intercommunale de Développement Économique du Hainaut Occidental), puis de l’IEG (Intercommunale d’Étude et de Gestion). S’installent alors de nombreuses entreprises des secteurs de l’agro-alimentaire, de la construction métallique, de l’électronique, de l’ingénierie, du bâtiment, etc. En ce début du XXIe siècle, le secteur industriel cède de plus en plus la place à celui des services (commerces, culture, sport et soins de santé). À titre d’exemple, le Centre Hospitalier de Mouscron (CHM) occupe un peu plus de 1 000 personnes faisant de lui le plus important employeur privé de l’entité.
Le Patrimoine immobilier mouscronnois
Les monuments classés
La commune de Mouscron compte six biens classés :
– La tour de l’ancienne église de Dottignies comme Monument (arrêté du 20 février 1939).
– Le château des Comtes comme Monument (arrêté du 30 octobre 1945).
– Le château des Comtes et alentours comme Site (arrêté du 22 janvier 1973).
– Quatre mausolées conservés au sein de l’église Saint-Barthélemy (le monument d’Oste de la Barre et de son épouse Cécile de Mourkercke ; la pierre tombale de Corneille de la Barre ; le mausolée de Ferdinand de Liedekercke et de son épouse Éléonore de Noyelles ; le mausolée de Georges et Nicolas Basta) comme Monument (arrêté du 29 mars 1976).
– Les orgues de l’église Saint-Barthélemy comme Monument (arrêté du 17 décembre 1981).
– Les panneaux en carrelage de l’ancienne salle de bal située au premier étage de la Maison picarde comme Monument (arrêté du 12 août 1988).
Les arrêtés de classement sont à retrouver sur le site de la Région wallonne : http://lampspw.wallonie.be/dgo4/site_thema/index.php

un des gisants classés dans l’église Saint-Barthélemy à Mouscron, un des panneaux de carrelages de la Maison Picarde
Les biens inscrits à l’Inventaire
Selon les recommandations du Conseil de l’Europe, la Belgique a entamé en 1966 l’inventaire de son patrimoine immobilier. Pour le territoire wallon, le résultat de ce travail de prospection systématique menée par des historiens de l’architecture a été publié sous la forme de 33 tomes de la collection « Le patrimoine monumental de la Belgique ». L’arrondissement de Mouscron-Comines est repris dans le second tome du sixième volume, publié en 1978. 45 biens mouscronnois y étaient alors inventoriés. Ce nombre relativement faible s’explique notamment par les critères de sélection de l’époque, notamment la limite chronologique fixée à 1850, exceptionnellement étendue jusqu’au début du XXe siècle, alors même que le développement de Mouscron n’a véritablement commencé que dans la deuxième moitié du XIXe siècle.
Depuis la fin du premier inventaire en 1997, un travail d’actualisation est en cours, nécessité autant par les modifications apportées au bâti recensé (disparition, transformations importantes, etc.) que par l’élargissement chronologique, typologique, stylistique de la notion de patrimoine. Depuis 2011, l’Inventaire du Patrimoine Immobilier Culturel (IPIC) est publié dans une base de données en ligne : http://lampspw.wallonie.be/dgo4/site_ipic/.
Le territoire de la commune de Mouscron a fait l’objet de ce travail d’actualisation en 2018-2019. L’inventaire actualisé a été présenté dans le cadre d’une exposition visible durant le mois d’octobre 2019 dans le hall du Centre administratif mouscronnois (CAM). 184 biens sont désormais repris.
Texte : Eglantine Braem